De quel droit ?

Tant de choses à te dire, après ton long silence,

Tant à te raconter, histoires, confidences...

Ces longs mois à t’attendre, l’âme baigné de pleurs,

Toi qui ne reviens pas... chagrin au bord du coeur.

Je te revois si pâle, comme si c’était hier,

Inerte... endormie. Juste ce petit air,

Ce sourire de biais, comme pour nous assurer

Que, dans cet autre monde, tu es bien arrivée.

Mais moi, je n’ai jamais voulu me séparer

De toi, petite soeur. De quel droit t’enlever

De ma vie ? Maudit soit le faucheur insensible

Qui déchira soudain nos liens imprescriptibles.

Quand donc reviendras-tu pour faire la cueillette

De ces fleurs printanières que sont les pâquerettes,

Transformées par tes soins en élixir secret

Garantissant à la peau multiples bienfaits ?

Quand irons-nous encore nous perdre dans les bois,

Tandis que, paresseuse, l’aurore aux mille bras,

Qui berce encore un peu les venimeuses guèpes,

Tarde à nous révéler la présence des cèpes ?

Et quand gravirons-nous à nouveau les collines

Sur lesquelles nous trouvions prémices à ta cuisine,

Sous les fiers châtaigniers dont les fruits généreux,

Savamment mijotés, régalaient les envieux ?

Me priver de ces joies, de ces moments heureux,

N’est-ce pas un dessein démoniaque hideux,

N’est-ce donc pas torture, vile, aveugle et cruelle,

N’est-ce pas monstrueux de m’avoir privée d’elle ?

Il me faut à présent, compter sans sa présence,

Sans ses rires détonants, sans les traces d’enfance,

Sans ces regards en coin, ses sourires discrets,

Et ces accès soudain de larmes que j’essuyais.

Il me faut (où trouver le courage ?) poursuivre

Le chemin qui s’ouvre devant moi... et vivre.

Vivre, coûte que coûte, et donner à chacun,

Le respect et l’amour, et ne léser aucun.

Liliane Gabel (avril 2012